vendredi 22 mars 2013

Vendredi 22 mars

La longue marche solitaire.



     La création d'un élevage d'animaux méconnus (en l'occurence, le furet), est une longue marche solitaire pour l'éleveur.
     Nous ne pouvons nous appuyer sur aucun document, aucun modèle établit, rien n'existe sur le sujet et le peu d'informations ne sont généralement pas pertinentes.

     Recueillir l'essentiel des données utiles afin de produire relativement sereinement des furetons sains et préserver son cheptel tout en restant rentable relève d'un vrai défit les premières années. Combien, parmi les jeunes éleveurs ignore qu'il existe sur leur territoire un laboratoire vétérinaire départementale auprès duquel ils peuvent faire réaliser des coprologies pour un coût dérisoire, sans passer par leur vétérinaire ? Combien d'entre-eux sait réhydrater sois-même un animal malade ? Faire une autopsie ou un vaccin ?
     L'éleveur ne serait-il qu'une vache à lait pour d'autres corps de métier ?


     Comme je le dis plus haut, il n'existe aucune données quant à l'élevage du furet, nous ne savons pas, par exemple, quelle concentration est acceptable : combien d'animaux au m² pour éviter l'apparition de maladie ? Sur quel modèle d'exploitation doit-on calquer notre travail : une exploitation de type visonnière (les animaux sont en extérieur, aux quatres vents) ou un modèle plus cunicole et asceptisé (batiment fermé, carrelé, air filtré, travail en bande...).


     Le modèle visonnière :

 
 
     Les animaux sont installés dans des batiments ouverts. Bien entendu, nous accentuons le risque de laisser entrer des maladies dans les locaux (oiseaux, rongeurs...) mais les animaux bénéficient d'un environnement naturel (photopériode, température, ventilation...). Des conditions qui favorisent aussi une bonne résitance (immunité).
 
 
 
     Le modèle cunicole :
 
 


     Un batiment fermé où l'on maitrise entièrement l'environnement : température, air, hygrométrie. Le travail s'effectue en "bande", l'exploitation dispose de plusieurs batiments identiques. A tour de rôle, un des batiments est vide afin de procéder à la désinfection totale. Nous avons donc une rotation permanente qui permet une hygiène parfaite.
     Si l'asceptisation évite les contaminations dans l'élevage, elle n'en rend pas moins les jeunes plus fragiles. Dès que les animaux quittent ce type d'élevage, leur organisme est confronté aux agressions extérieures (bactéries, virus etc, contre lesquels ils ne sont pas immunisés).




     Si l'on prend l'exemple des deux plus grandes fermes d'élevage de furets de Nouvelle Zélande, la première a calqué son modèle de production sur un type visonnière, la seconde, elle, travaille sur le modèle cunicole.
     Tout cela est donc affaire de goûts, de convictions et non régi par des chiffres qui parleraient d'eux même et imposeraient un choix plutôt que l'autre.


     Le préventif en élevage :

     Si il existe quelque chose d'universel en élevage, c'est bien la notion de prévention. Un élevage sérieux va s'attacher à la diminution des risques de maladie au sein de son établissement. Là encore, nous sommes confrontés à un vrai casse-tête. Les vétérinaires d'élevage ne sont pas compétents en furet et les spécialistes furet ne sont pas compétents en élevage. Les premiers vous donneront des produits pas toujours efficaces et les seconds préfèrent généralement être en présence de symptômes avant de traiter et méconnaissent les pathologies d'élevage.
     C'est donc deux vétérinaires, voir plus, qu'il vous faudra pour pouvoir mettre en place votre propre protocole de traitement préventif.
     Un exemple concrêt, la coccidiose, petit protozoaire bien connu des élevages. Pour lutter contre ce parasite il existe un ensemble de produits qui utilisent tous plus ou moins la même molécule : la sulfadiméthoxine (metoxyl, cunicoxil, coccidex...). Dans notre cas, cela ne va pas bien nous aider car c'est l'association de deux molécules qui sera efficace chez le furet : la sulfadiméthoxine et la pyriméthamine. Sachant cela, un seul produit sera réellement efficace : l'océcoxil.
     Un vétérinaire d'élevage saura qu'il faut réduire les risques de coccidiose mais ne vous donnera pas forcément le produit adéquate, le vétérinaire spécialisé furet, lui, pourra vous orienter sur le produit efficace mais sans votre sollicitation, il ne vous l'aura pas proposé en préventif.

     Le furet, petit animal de compagnie, n'échappe pas aux pathologies d'élevage. Hormis quelques maladies très spécifiques, les problèmes en élevage, que l'on fasse du lapin ou du furet sont proches. Nous pouvons ainsi calquer, à quelques nuances prètes, les méthodologies cunicoles.
    

     Le cas particulier du botulisme :

     Si l'on fait le choix de nourrir ses animaux au carné, on peut s'exposer au botulisme. Cette maladie mortelle et très contagieuse peut décimer un cheptel non vacciné en 48 heures.
     Et bien il suffit de vacciner le cheptel me direz-vous.... oui mais.... car il y a toujours un "mais" dans l'élevage du furet. Il est très difficile de trouver ce vaccin en France. Les élevages qui en ont besoin ne courent pas les rues : élevage de visons et élevage de furets. Les premiers sont quasiment impossible à joindre car ils se préservent d'éventuels éco-terroristes, les seconds ne vaccinent pas contre le botulisme.
     Il faut donc faire appel à des laboratoires spécifiques pour faire entrer les doses voulues depuis le nord de l'Europe, ce qui est extrêment pratique. Non négligeable, ce vaccin protège aussi de la pneumocystose, ce qui peut être utile.  


Continuons sur la longue route de l'élevage du furet......

     Constitution d'un cheptel et sélection :

     Pour faire de l'élevage, il faut des reproducteurs, donc un cheptel à partir duquel vous pourrez effectuer par la suite votre propre sélection.
     Soyons bien d'accord, un élevage, ce n'est pas 12 furets dans un salon, ça, c'est un hobby.
     Aujourd'hui, qui, en France, peut vous fournir un cheptel de 40 ou 50 bêtes pour démarrer votre activité ? personne.
     Dans l'idéal, il est préférable que votre cheptel soit composé d'un seul lot pour éviter un échange de microbisme et donc l'apparition de maladies, souvent bénignes, mais qu'il faut traiter quand même (temps et coût).
     Tournons nous du côté de l'étranger pour composer notre cheptel de base alors.... oui mais.... en tant que professionnel, pour faire entrer sur le territoire français des animaux issus de l'étranger, il vous faut être "opérateur international" auprès des services vétérinaires. Une simple formalité à remplir mais encore faut-il le savoir.
     Nous voilà en règle avec l'administration, où allons nous chercher nos futurs reproducteurs ?
     Voilà un nouveau problème... ne comptez pas sur vos confrères pour vous donner le peu d'informations dont ils disposent et qu'ils conservent précieusement. Il vous faudra donc vous déplacer et aller fureter dans les salons animaliers étrangers pour y dénicher les bonnes adresses. La bourse d'automne de Hamm, en Allemagne, est un exemple d'exposition où l'on peut trouver de bons contacts.

     Nous voilà en possession d'un cheptel correspondant à la sélection que l'on souhaite effectuer pour les années à venir... mais au fait, c'est quoi la sélection, la meilleure sélection ?

     Là, on est dans la subjectivité. D'un élevage à l'autre, les sélections sont très différentes et correspondent à des critères très personnels. Le tout étant de ne pas mentir, de ne pas se mentir non plus.
     Nous pouvons travailler sur plusieurs facteurs mais pas sur tous : santé/longévité, morphologie, couleur, longueur de poils, prolificité, gabarit, caractère etc etc... Il faudra donc faire des choix (qui peuvent être différents si l'on travaille plusieurs lignées, pourquoi pas) tout en gardant à l'esprit que la majorité de votre production doit être vendue, bien entendu.
     Aujourd'hui, travailler sur l'albinisme, par exemple, est un suicide économique.

     La première fonction d'un éleveur est de travailler à l'amélioration d'une espèce.... oui mais.... l'élevage n'échappe pas à la mode dictée par le client. Ne nous tirons pas une balle dans le pied en produisant uniquement des zibelines de petit gabarit, même si ce qui nous plait profondément car l'on souhaite maintenir une sélection traditionnelle pour la chasse.
     Par conséquent, certaines de vos sélections seront peut-être des compromis entre ce que vous souhaitez et la réalité économique.
     La sélection étant subjective, toutes ses formes sont donc justifiables même si certaines sont clairement orientées sur un seul critère : la mode. Il serait juste honnête de le dire dans ce cas là.


     Exister, le nerf de la guerre :

     Produire de beaux furetons, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant, faut-il encore les vendre.
     Quel(s) marché(s) choisir ? les grossistes, les animaleries, les particuliers ? Comment se faire connaître et exister dans cette jungle ?
     Il est relativement simple de travailler avec les grossistes à condition d'avoir un coût de production faible puisque les tarifs d'achat frôlent les pâquerettes. L'avantage est qu'ils vous prendront les animaux en grande quantité à la fois.
     Les animaleries : la plupart des enseignes aujourd'hui travaillent avec une centrale d'achat. Pour pouvoir vendre à l'animalerie, il faut donc être référencé auprès de sa centrale (groupement d'animaleries). Il faut donc une production importante pour satisfaire la demande et ouvrir les portes de son établissement pour les visites de ses partenaires qui contrôlent la qualité.
     Les particuliers : le meilleur moyen pour valoriser vos animaux. L'inconvénient avec ce marché, c'est la gestion du client (il est plus rapide et simple de vendre 40 furets à un grossiste que 40 furets à 40 particuliers) et surtout, pour atteindre ce marché, il faut être visible : le web, les salons, les foires, les réseaux sociaux etc etc... C'est bien évidament le marché le plus lucratif mais aussi le plus chronophage (gestion d'un site internet, communication sur les réseaux sociaux, communication mail, téléphone, suivi des clients après la vente etc etc ). Par ailleurs, être visible, public sur internet, vous donne un accès direct à la critique et c'est bien souvent une guerre des nerfs qui se livre entre les différents élevages présents sur la toile. Il faut savoir faire la part des choses.


     Le coût de production, l'autre nerf de la guerre,

     Encore un combat à mener... les premiers bénéfices d'un élevage, c'est les économies qu'il réalise. Le coût de production d'un fureton doit être connu si vous voulez savoir où vous allez. Il englobe les frais de bouche du cheptel, les frais vétérinaires, le sevrage des furetons, les factures d'eau et d'électricité, les déplacements.... bref, tout.
     Vous divisez tous ces frais par le nombre de furetons vendus et vous obtenez votre coût de production pour un fureton.
     Il y a des postes quasiment incompressibles (connexion internet par exemple) et d'autres sur lesquels nous pouvons réaliser de belles économies : l'alimentation et les frais vétérinaires.
     L'alimentation, que l'on soit en carné ou en croquette, il est incontournable de chercher à se fournir à la source. Joue alors l'économie d'échelle... Au plus vous consommez (très gros cheptel) au plus vous réduisez le coût d'achat au kilo. De toute évidence, lorsque l'on commande 3 tonnes d'aliment au fabricant, on ne l'a pas au même prix que lorsque l'on achète quelques kilos à un distributeur.
     Il en est de même pour les frais vétérinaires. Quand on fait identifier 400 bêtes, on ne dispose pas des mêmes tarifs qu'un élevage qui fait identifier 20 furets.
     Faire des économies d'échelles, ce n'est pas rogner sur la qualité, pour des soins équivalents, votre volume permet de discuter les prix.


     L'élevage de furets est un ensemble de problèmes auxquels personnes ne peut apporter de réponse. Nous devons trouver par nous-même les solutions à chaque poste : les cages, les locaux, la prophylaxie, les traitements préventifs, l'alimentation, la photopériode, la surpopulation, la vente, les frais vétérinaires, site internet...... Un chemin que beaucoup abandonne.




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